Il existe deux sortes de consommateurs d'alcool : ceux qui se laissent porter par l'humeur ambiante et ceux qui se laissent porter part leur propre humeur. Certains vont être naturellement joyeux et ne jamais prendre ombrage, tout au plus se vexeront-ils un peu puis passeront à autre chose ou bien préfèreront partir que de laisser une situation s'envenimer. D'autres seront du genre triste ou mélancolique, évoquant avec plus ou moins de poésie un temps que les moins de vingt ans... bref, vous voyez le genre. Et puis il y a ceux qui vont passer par ces deux phases, une à plusieurs fois dans la même soirée, mais qui surtout vont être du genre à réagir au quart de tour à la première provocation un peu trop poussée.
Cela faisait déjà trois mois que Raphael m'avait sauvé et recueilli chez lui, trois mois durant lesquels il avait nettoyé, désinfecté et bandé mes plaies, prenant soin de moi aussi bien que l'aurait fait un professionnel de santé, et avec la même attention que ne l'aurait eu un parent proche. A force de bons soins, de repos et de bons repas, j'avais fini par guérir et me remplumer suffisamment pour pouvoir quitter l'abri de son territoire, prudemment d'abord car je craignais qu'Il ne soit là à m'attendre pour finir le travail, puis avec plus de confiance au fur et à mesure que les jours passaient. A présent que j'avais la possibilité de me déplacer librement, j'avais annoncé à mon nouvel ami que je comptais rester à Montréal quelques temps, sans savoir combien exactement, lui demandant s'il acceptait que je devienne son colocataire en attendant que je sache si oui ou non je restais dans ce pays et si oui ou non je décidais de me poser réellement.
J'en étais là de mes réflexions quand j'avais décidé de m'arrêter dans un bar qui m'avait fait de l’œil avec sa devanture en bois et son panneau de façade taillé à la main : ça avait de la gueule et ça me rappelait les pubs d'Irlande où j'avais constitué pas mal de bons souvenirs. J'étais rentré en fin d'après-midi, commandant un premier verre, puis un second... C'est dingue quand on y pense cette manie qu'à notre cerveau de nous faire chier avec des questions existentielles alors qu'on a juste envie de se détendre et de profiter d'un moment de répit. Les souvenirs de ma vie et des actions m'ayant conduit jusqu'ici se bousculaient dans ma tête, je me revoyait sauver mes parents des flammes et de ce chasseur, passer devant le Conseil de Discipline de l'Armée, et finalement préférer démissionner que d'avoir une mise à pied sans solde. A l'époque j'étais persuadé que partir courir à travers le monde pour traquer et tuer ces salopards était la meilleure chose à faire, surtout en voyant les victimes qu'ils laissaient derrière eux, y compris les plus innocentes qui soient. Un troisième verre pour saluer les amis que je me suis fait de part le monde, et un quatrième pour éviter de repenser au visage des enfants exécutés et laissés sur place comme s'ils valaient moins que des bêtes... Et ils osaient dire que c'étaient nous les monstres !
- Allez encore un verre patron ! Mais non je vais très bien, tiens je paye même d'avance alors continue à me servir !
Je vois le verre être déposé devant moi et remarque la trogne mécontente du barman malgré ma vision trouble, mais je m'en fout. Ce soir j'ai envie d'oublier toutes ces conneries, j'ai envie de me poser et d'imaginer un peu... Qu'est-ce que ça donnerait si j'arrêtais un peu de courir, hm ? J'observe mon verre à moitié vide, ou à moitié plein, hein, il faut voir le côté positif des choses : je suis en vie, et j'ai même un nouvel ami qui me donne envie de rentrer dans le rang. Je suis pas Canadien, mais y'a des tas de métiers qu'un type comme moi peut faire. Je sais me battre, je sais tirer, chasser l'homme, protéger aussi... J'ai dit que je serais le Protecteur de Raphael, mais est-ce que je ne risque pas de lui attirer des ennuis en restant chez lui ? Rha c'est trop compliqué... Je préfère rester avec lui pour l'instant, j'ai une dette à payer, même si j'aurais pas assez d'une vie pour le faire.
- Ouaip... moi j'vous l'dit, une vie pour une vie c'même pas assez pour rembourser...
Le barman secoue la tête de son côté tandis que je lève mon verre devant mes yeux, le coude en appui précaire sur le comptoir qui me sert de support depuis probablement plus longtemps que je ne l'imagine. dans le reflet du liquide ambré, j'ai l'impression de revoir le sourire de l'autre enfoiré qui a failli me faire la peau et j'émets un grondement rauque et sonore, qui tiens plus de l'animal que de l'homme.
- Allez mon vieux, tu devrais rentrer et te reposer un peu, il se fait tard.
Le barman s'est rapproché de mon côté et je porte sur lui un regard plissé, affichant un air mécontent, presque mauvais.
- Non, j'vais plutôt t'en r'prendre un autr'.
Dis-je avant de vider cul sec ce qu'il restait du mien, le claquant sur le comptoir dans un bruit qui fait sursauter les quelques clients autour de moi. Je déteste sentir toutes ces paires de yeux qui me dévisagent, me fixent, m'espionnent... Ouais, si ça se trouve, y'en a peut-être un parmi eux qui sait... Merde, si ça se trouve y'en a vraiment un ! Je me redresse soudain, les mains à plat sur le comptoir, pivotant lentement sur moi-même pour me mettre à dévisager les gens présents avec un regard mauvais, le nez légèrement froncé comme si j'étais sous ma forme de loup et que je pourrais repérer l'odeur de poudre d'une arme à portée. C'est là que ce grand rouquin s'avance vers moi, et mes yeux bleus se braquent sur lui en même temps que mon menton se redresse : lui, il est différent.
@Conaid Jarvinen
Cela faisait déjà trois mois que Raphael m'avait sauvé et recueilli chez lui, trois mois durant lesquels il avait nettoyé, désinfecté et bandé mes plaies, prenant soin de moi aussi bien que l'aurait fait un professionnel de santé, et avec la même attention que ne l'aurait eu un parent proche. A force de bons soins, de repos et de bons repas, j'avais fini par guérir et me remplumer suffisamment pour pouvoir quitter l'abri de son territoire, prudemment d'abord car je craignais qu'Il ne soit là à m'attendre pour finir le travail, puis avec plus de confiance au fur et à mesure que les jours passaient. A présent que j'avais la possibilité de me déplacer librement, j'avais annoncé à mon nouvel ami que je comptais rester à Montréal quelques temps, sans savoir combien exactement, lui demandant s'il acceptait que je devienne son colocataire en attendant que je sache si oui ou non je restais dans ce pays et si oui ou non je décidais de me poser réellement.
J'en étais là de mes réflexions quand j'avais décidé de m'arrêter dans un bar qui m'avait fait de l’œil avec sa devanture en bois et son panneau de façade taillé à la main : ça avait de la gueule et ça me rappelait les pubs d'Irlande où j'avais constitué pas mal de bons souvenirs. J'étais rentré en fin d'après-midi, commandant un premier verre, puis un second... C'est dingue quand on y pense cette manie qu'à notre cerveau de nous faire chier avec des questions existentielles alors qu'on a juste envie de se détendre et de profiter d'un moment de répit. Les souvenirs de ma vie et des actions m'ayant conduit jusqu'ici se bousculaient dans ma tête, je me revoyait sauver mes parents des flammes et de ce chasseur, passer devant le Conseil de Discipline de l'Armée, et finalement préférer démissionner que d'avoir une mise à pied sans solde. A l'époque j'étais persuadé que partir courir à travers le monde pour traquer et tuer ces salopards était la meilleure chose à faire, surtout en voyant les victimes qu'ils laissaient derrière eux, y compris les plus innocentes qui soient. Un troisième verre pour saluer les amis que je me suis fait de part le monde, et un quatrième pour éviter de repenser au visage des enfants exécutés et laissés sur place comme s'ils valaient moins que des bêtes... Et ils osaient dire que c'étaient nous les monstres !
- Allez encore un verre patron ! Mais non je vais très bien, tiens je paye même d'avance alors continue à me servir !
Je vois le verre être déposé devant moi et remarque la trogne mécontente du barman malgré ma vision trouble, mais je m'en fout. Ce soir j'ai envie d'oublier toutes ces conneries, j'ai envie de me poser et d'imaginer un peu... Qu'est-ce que ça donnerait si j'arrêtais un peu de courir, hm ? J'observe mon verre à moitié vide, ou à moitié plein, hein, il faut voir le côté positif des choses : je suis en vie, et j'ai même un nouvel ami qui me donne envie de rentrer dans le rang. Je suis pas Canadien, mais y'a des tas de métiers qu'un type comme moi peut faire. Je sais me battre, je sais tirer, chasser l'homme, protéger aussi... J'ai dit que je serais le Protecteur de Raphael, mais est-ce que je ne risque pas de lui attirer des ennuis en restant chez lui ? Rha c'est trop compliqué... Je préfère rester avec lui pour l'instant, j'ai une dette à payer, même si j'aurais pas assez d'une vie pour le faire.
- Ouaip... moi j'vous l'dit, une vie pour une vie c'même pas assez pour rembourser...
Le barman secoue la tête de son côté tandis que je lève mon verre devant mes yeux, le coude en appui précaire sur le comptoir qui me sert de support depuis probablement plus longtemps que je ne l'imagine. dans le reflet du liquide ambré, j'ai l'impression de revoir le sourire de l'autre enfoiré qui a failli me faire la peau et j'émets un grondement rauque et sonore, qui tiens plus de l'animal que de l'homme.
- Allez mon vieux, tu devrais rentrer et te reposer un peu, il se fait tard.
Le barman s'est rapproché de mon côté et je porte sur lui un regard plissé, affichant un air mécontent, presque mauvais.
- Non, j'vais plutôt t'en r'prendre un autr'.
Dis-je avant de vider cul sec ce qu'il restait du mien, le claquant sur le comptoir dans un bruit qui fait sursauter les quelques clients autour de moi. Je déteste sentir toutes ces paires de yeux qui me dévisagent, me fixent, m'espionnent... Ouais, si ça se trouve, y'en a peut-être un parmi eux qui sait... Merde, si ça se trouve y'en a vraiment un ! Je me redresse soudain, les mains à plat sur le comptoir, pivotant lentement sur moi-même pour me mettre à dévisager les gens présents avec un regard mauvais, le nez légèrement froncé comme si j'étais sous ma forme de loup et que je pourrais repérer l'odeur de poudre d'une arme à portée. C'est là que ce grand rouquin s'avance vers moi, et mes yeux bleus se braquent sur lui en même temps que mon menton se redresse : lui, il est différent.
@Conaid Jarvinen