Une soirée détente… Je regarde le bar autour de moi. L’endroit est sympathique. Il y a un billard et des fléchettes. Les gens rigolent, bavardent joyeusement alors qu’une musique de fond donne de l’ambiance. Une ambiance décontractée. Je suis contente d’avoir laissé mon blazer et ma cravate dans ma voiture. La chemise gris perlée que je porte ressort déjà bien assez. Il faudrait que j’investisse dans des chemises à carreaux, même si ce serait une première et très bizarre pour moi. En attendant mon regard se reporte sur mes collègues qui m’ont embarqué ici. On s’entend bien sans être amis et ce soir est clairement l’une de ces opportunités sociales où, si on vous invite, vous avez l’occasion de vous faire une petite place dans un groupe de personnes. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, ni combien de temps je resterais ici, mais quelques liens sociaux ne feront pas de mal. Me voilà donc, à peine entré dans ce bar et déjà une bière canadienne à la main, à me mêler à des conversations plus légères et privées que celles qu’on a habituellement dans les bureaux. Le bar est bondé et le mélange d’odeurs m’agresse momentanément le nez. Je suis limite content de pouvoir me réfugier dans ma bière pour un peu désaturiser mes narines. Je rigole à une blague d’un collègue, une anecdote sur un match de hockey en fait, quand mon nez capte une odeur familière. Adossé au bar, je redresse mon visage et scan la foule.

Une après-midi quelques semaines plus tôt je rencontrais mademoiselle Nejem. Douce animorphe, à l’odeur soignée, propre, douce et tendre. Nous avions papoté sur un banc pendant un moment et j’ai dû partir en coup de vent à mon plus grand malheur. Ce n’est que le soir, en découvrant ma marque sur le bas de mes côtes que j’ai compris pourquoi j’avais ressenti autant en sa présence.

Un jour était passé…

Un autre…

Encore un…

J’avais plusieurs fois redémarré mon téléphone, dans la peur qu’un bug m’empêche de voir ses appels, mais j’avais dû me résoudre à l’évidence : elle ne m’avait pas appelée. J’étais retourné dans le parc, j’avais essayé dans une tentative folle de la revoir de capter son odeur dans l’idée de la suivre… mais je n’y étais pas parvenu. Dès que je voyais un chien semblable à Roméo mon cœur s’accélérait… mais ce ne fut jamais elle. J’avais eu… J’avais eu envie au monde entier de crier que j’avais mon âme sœur… mais cette envie, ce bonheur… tout ça était retombée. Le fait qu’elle ne téléphone pas était une chose, ma situation et ma nationalité allemande en était une autre. Et finalement, le dernier argument qui avait su mettre fin à mon enthousiasme si rare… J’avais découvert ma marque grâce à mes yeux. Alors même si je la retrouvais… comment lui dire que nous étions âmes sœur ? Avait-elle ressenti sa marque ? Quelqu’un lui avait-il dit que sa marque état devenue visible ? Il y avait ce sentiment d’attirance et ces émotions forte que j’éprouvais en étant près d’elle, mais éprouvait-elle la même chose ? Était-ce assez pour qu’elle réalise que j’étais son âme sœur ? Intérieurement je m’étais fait la remarque que non. J’avais essayé de me mettre à sa place : une inconnue que je n’ai rencontré qu’une fois brièvement dans un parc, qui revient vers moi en me parlant d’âme sœur et de marque de manière enthousiaste et incontrôlée… Non. Cela me mettrait mal à l’aise. Voir me rendrait suspicieux ou paranoïaque dans le pire des cas. Et je ne voulais pas qu’elle ressente ça pour moi.

Alors je m’étais calmé. Et j’avais prié. Prié le seigneur pour qu’il me donne une chance de la revoir. J’ai prié le seigneur pour me donner une chance de la courtiser normalement. Lui proposer un rendez-vous, apprendre à la connaître, pouvoir lui offrir des fleurs… Et il semblerait que ce soir on me donne cette chance de me présenter à elle convenablement et qu’elle apprenne à me connaître. Car même si notre entrevue fut brève, son odeur n’a jamais quitté mon esprit et je la reconnais même dans un endroit bondé tel que ce bar.

Finalement mes yeux s’accrochent à elle alors que je la vois avancer vers moi. Je reste un instant immobile à la contempler. Elle est si douce et forte à la fois. Forte parce qu’elle semble comme un poisson dans l’eau dans cet environnement brouillant et bondé. Douce car sa tenue et son maquillage sont soigné. Elle pourrait porter un jogging qu’elle me ferait la même impression. Et de base je ne suis pas quelqu’un qui fait attention au physique. Mais chez elle… Chez elle j’ai l’impression d’y lire plus que du maquillage et des vêtements. Chez elle je note les efforts et le temps que ça a dû lui prendre de se maquiller. Je ne sais pas pourquoi elle s’applique à se préparer, mais elle le fait. Un sourire étire mes lèvres quand elle s’adosse au bar et m’adresse la parole. Pour moi… c’est comme un rêve qui se réalise. Voir même un miracle.

« Mademoiselle Nejem ! Bonsoir. »

Mon regard scrute son visage. Comment peut-elle être aussi détendue dans une foule d’inconnus ? Moi-même j’étais plus tôt tendus, intimidé et mes rires et sourires étaient forcés. J’avais vraiment du mal dans une foule d’inconnus.

« Je vais bien. Et vous ? »

Mon accent est toujours tranchant, mais au moins c’ets une phrase classique qui ne me fait pas buter sur mes mots.

« Comment va Roméo ? »