Le temps déroule son fil jusqu'à arriver à, enfin, les vacances universitaires. Paradoxalement, Sorcha n'aime pas les vacances universitaires. Elle n'a plus rien à faire et comme on est au début, elle ne s'est pas lancé dans un projet de code quelconque. Elle n'avait pas envie de faire de stage mais Ea l'est, elle, en stage, il est absolument hors de question de passer du temps en Irlande sans elle, d'autant que le manoir est un peu vide. Livia a eu la place très convoité de violon soliste dans un festival de musique renommé en France. Genre, y'a son prénom et son nom sur l'affiche. Papi doit se confire de bonheur et de fierté. Menahem est en stage lui aussi. Siv est partie avec des copines en Crète. Ezra a offert des supers vacances à Elain a base de poney, de plages et de copines, bref, tout ce qui fait rêver une petite fille de cinq ans. A croire qu'il a besoin de se racheter de quelque chose. De son absence peut être.


C'est cependant d'Irlande que vient le trouble de son été ennuyeux. Un appel Whatsapp de Grand Mère. Ca, pour l'instant, c'est "normal" diront nous, Grand mère utilise Whatsapp comme une ado de 15 ans utilise le dernier réseau social à la mode, elle est dans on ne sait combien de groupe de discussion si bien qu'une fois le nombre de notifications simultanés a été tellement grand que l'Iphone a failli buggué. Donc, rien d'anormal, Papa a probablement cafté sa situation et Mamie a trouvé un créneau dans son emploi de ministre pour appeler sa petite fille. Sauf que c'est une voix masculine qui sort du haut parleur du téléphone. La camera, elle, filme les moulure du plafond peint XVIIIème du manoir irlandais. Et surtout, la conversation ne semble pas la concerner "... Comment on sait que .... " "Whatsapp" rétorque la voix de Grand Mère très calme, sur un ton que Sorcha reconnait très vite et qui lui permets d'identifier la voix d'homme. Ça, c'est la voix que Mamie prend quand Papi embraye sur une de ses crises de paranoïa légendaire. "... Oui voilà ... c'est sécurisé ?" Question pertinente en soit mais Sorcha doute que la réponse ne le convainque . Même Télégram ne serait pas assez sécurisé aux yeux de Grand Père alors Whatsapp. Mamie tente une réponse ... disons que la solution de facilité."Tu vois le petit cadenas ? Ca dit que c'est sécurisé " "Mais il peuvent mentir !" rétorque Papi au quart de tour, presque affolé. Grand Mère pousse un petit soupir"Tu préfère le téléphone ?" " Non, le gouvernement pourrait nous écouter " marmonne Anshel dans la barbe qu'il n'a pas en se rapprochant enfin de la caméra. Adeline fait de même et reprend sur un ton enjoué " Donc il ne reste que Whatsapp . Tiens d'ailleurs, on voit Sorcha , bonjour Sorcha ." "Bonjour Mamie" Répond Sorcha sur un ton blasé mais amusé. Grand père observe avec de yeux écarquillés l'écran en marmonnant un juron dans une langue incompréhensible suivi d'une réplique ... de vieux . "Qu'est ce que c'est que cette diablerie". Mais Sorcha prend son mal en patience, ne serait-ce qu'avec la perspective de raconter cette anecdote croustillante à Eadaoin.


La raison de l'appel se précise peu à peu. Tiens, d'habitude, ce genre de demande émane de mamie exclusivement, même pour leur connaissance commune qui passe toujours par elle plutôt que par lui. Cela signifierai que Papi aurait une connaissance non commune à Mamie. Genre ça existerait. Les amis de Grand Père, c'est comme le Père Noel. Tout le monde dit qu'il existe alors qu'en fait non. Il n'en reste pas moins que la nièce de la personne en question (oui parce que Papi a jamais été un parangon de clarté) s'installe à Montréal et faudrait à minima lui dire bonjour et au mieux facilité son installation. Sorcha soupire , Papi fronce les sourcils alors elle se redresse et s'étire. Très bien, elle va y aller. Maintenant même. Enfin, un fois le chat nourri et une tenue convenable passée.


C'est donc une Sorcha aux cheveux roux attachés , vêtue de ses éternelles talons à semelle rouge et d'une robe chemise courte bleu marine avec une large ceinture à la taille et un sac besace bleu ciel discrètement siglé d'une marque française de luxe qui se présente à l'adresse donnée par Anshel. Elle cherche le nom sur l'interphone, qui lui fait esquisser une rire et sonne .


"Bonjour, je m'appelle Sorcha Faulkner, je suis la petite fille d'Anshel Fetherstonhaught. On m'a demandé de venir vous voir."