Que sommes-nous? || Ft Marcus.

Début Novembre 2023 - RDV dans un Parc.

Les jours s'étaient transformés en semaines. Et je n'avais toujours pas décidé de ce que je devais faire. Une rencontre inattendue m'avait ouvert une porte qui était jusqu'à présent restée entrouverte.. Mais je ne me décidais pas à en franchir le seuil...

Il fallait dire que l'agenda était.. Chargé.

Ou bien était-ce là une simple justification à mon inaction grandissante?

Ou bien les deux à la fois..

Après avoir endormi le blaireau qui s'était révélé homme et m'être également fait avoir à mon tour par mon co équipier du moment... C'était ceux que je chassais avec détermination qui m'avaient ironiquement trouvée là inconsciente et secourue... Ils ne semblaient pas tellement ressembler à des monstres, tels qu'on nous l'inculquait.

C'était cette prise de conscience, ce face à face, qui me taraudait. Une petite voix en moi me disait que j'étais comme eux. Que je ne pourrais pas les fuir éternellement... Si j'arrivais à percevoir ce qu'ils étaient... La réciproque devait être vraie. La preuve, l'homme qui m'avait laissé sa carte, me disant de donner des nouvelles.. J'étais.. Ignorante. De tout. Et ces informations.. M'aideraient-elle? De quelle manière? Dans quelles circonstances?

Je tournais en rond mais... Novembre et le temps passant, je n'y tins plus. Pourquoi maintenant? Peut-être parce qu'à trop réfléchir je n'arrivais à rien. Alors sur un coup de tête, j'avais appelé le numéro donné, et demandais qu'on se voit, si l'offre était toujours d'actualité.

Nul mot sur mon travail. Nul mot sur ce jour là.. Juste.. Je n'en savais rien au fait. Je n'en pouvais simplement plus de ne pas savoir et ce n'était pas mes comparses qui me répondraient.

D'un commun accord, l'on se décida donc pour se rencontrer dans un Parc. Un lieu commun, avec du passage. Un lieu ouvert, où l'on ne se sentiraient pas coincés entre quatre murs.. Et puis.. Mieux valait éviter les endroits trop fréquentés. J'avais certes l'habitude de privilégier les zones à forte densité humaine.. Cette fois je pouvais bien faire un écart et montrer ma bonne volonté.

Ce Marcus m'avait retrouvé avec une seringue anesthésiante dans la jambe, à me réveiller à peine suite à l'enlèvement de leur ami... Des doutes devaient bien le travailler.. Des hypothèses émises.

J'arrivais un peu avant l'heure convenue, longue habitude oblige, et j'en profitais pour observer les passants, tentant de repérer l'arrivée de mon interlocuteur.. Ou bien était-il déjà dans les environs? Là. Un banc avec vue dégagée mais trop loin des individus présents pour qu'ils entendent..

Bonne idée.

J'allais m'y asseoir, tentant de me détendre.

Ce n'était qu'une discussion.
Rien d'autres.

Un appel inattendu après des semaines de silences. Des semaines où tout s’était enchainé d’un niveau pro, avec la restructuration de la boite Porsche et tout ce qui était arrivé à Raphaël. Je faisais souvent des rondes sous ma forme animale dans les bois proche de sa paroisse. Je finissais par les connaître comme ma poche. Mon hygiène de vie stricte me permettait de vivre et de fonctionner avec un minimum d’heures de sommeil. Un sommeil qui est étonnamment réparateur, bercé de doux rêves où une jeune enchanteresse me berce doucement. Hiba… On ne s’était pas revus depuis cette soirée au bar mais… Elle était là. Elle avait mon numéro et j’avais le sien. On s’était appelé quelques fois. Ça avait été agréable. Je m’étais excusé de ne pas avoir pu lui proposer un repas ou d’aller boire un café. Mon on avait papoté un peu. Et ces petits bouts de dialogue, ainsi que sa voix, me berçaient la nuit.

En attendant, il y avait ce rendez-vous avec cette autre femme. Aucune attirance, bien au contraire de la méfiance pure. Un parc était une bonne idée à cet effet. Des possibilités de fuite, des témoins oculaires neutres. Quand j’arrive, les diverses odeurs m’assaillissent de manière prévisible. L’herbe, la terre, l’odeurs de plusieurs chiens et de rongeurs nocturnes. L’odeur des gens. La transpiration des joggeurs et cycliste, le parfum et maquillage des couples, les vêtements nouvellement achetés, et ceux déjà usé. Les divers shampoings et produits de beauté aux 1001 senteurs. Heureusement le grand air permet de tout atténuer. Je n’essaye pas de retrouver la femme à son odora mais plus à son aura. Certes, nous ne sommes pas les seuls animorphes dans la ville mais on est les deux seuls proches. Je la repère sur un banc et je m’approche d’elle. Je suis hésitant que j’arrive devant et m’arrête.

« Bonjour. Vous permettez ? »

La politesse est respectée, surtout sachant à quel point j’y accorde de l’importance. Mais je m’assois quand même.

« Comment allez-vous ? »

Autant commencer en douceur. Et surtout tâter le terrain. Après ce qui était arrivé à Raphaël j’avais encore plus de mal à lui faire confiance. Était-elle une infiltré ? Une amie ? Qui ? Alors autant opter pour une approche directe.

« Est-ce que vous nous voulez du mal ? »

Ft @Marcus H. jones

Vigilante à mon environnement, je perçois la présence de mon interocuteur qui s'approche de moi. Lui aussi a dû me capter. Il vient s'asseoir près de moi après m'en avoir demandé l'autorisation. Je le reconnaîs, mais il y a autre chose qui me donne un frisson désagréable. Je le soupçonnais Animorphe, mais j'étais alors groguis par l'anesthésiant.. Maintenant.. Je le sens nettement et l'impression qu'il ne fait pas bon de l'énerver...

"-Ca va bien. Et vous? Avez vous pu retrouver votre ami?"

Si Gabriel avait été retrouvé mort, mon véhicule de fonction retrouvé sans traces d'effractions ou de dégâts... Il restait l'absence de sa proie. L'homme blaireau était aux abonnés absent, et une partie de moi espérait secrètement qu'il soit à l'abri... Qu'est-ce qui pouvait bien me prendre...

La question qui suivit était complexe... Je grimaçais en l'écoutant. Ses soupçons et inquiétudes étaient légitimes, malheureusement.. Je n'en savais rien moi-même...

"-On m'a formé à vous haïr. A traquer les vôtres sans remords, sans hésitation. Depuis mon adolescence, l'on m'apprend à trouver des traces de ceux que l'on nous désigne comme des monstres, des abominations qui foulent la terre parmis les humains et qu'il faut éradiquer sans une once de pitié... Et voilà que tout est ... Tout vole en éclat, je ne sais plus vraiment où j'en suis. Personne ne sait ce que je suis. Je l'ignore même moi-même, le refoulant toujours plus. Je.. "

Je soupire, m'adossant au dossier du banc. Je ne veux pas qu'il s'inquiète. Je suis venue sans arme. Mais cette rencontre me fait un drôle d'effet. Tout comme de parler d'un tel sujet ainsi, aussi directement.

"-Je crois que je.. Je souhaite en apprendre plus. Sur moi, sur ce que sont les Animorphes. On me les a décrit comme monstres, mais j'ai vu moi des personnes empathiques, parfaitement intégrées et assez généreuses pour aider une inconnue mal en point. Je ne pense pas pouvoir vous promettre de... J'en sais rien. Je ne sais plus où j'en suis. "

Perdue. Oui, ça résume bien la situation. Tout ce qu'on m'apprenait ne reflétait pas ce que j'avais pu avoir sous les yeux.. Alors réussir à le concilier? A l'oublier même? Saurais-je aller jusqu'au bout si on m'en donnait l'ordre à présent? En me servant de mes acquis pour formater mes pensées, ne plus ressentir, ne plus penser.. Possiblement. Mais je m'en sentais faible. Vulnérable.

Qui redoutais-je le plus à présent? Me faire griller par les Chasseurs? Ou découvrir toutes ces vérités et ce monde auquel j'appartenais par je ne sais quelle manière? Il fut un temps, me faire écorcher vive par les Chasseurs ne me paraissait pas si terrible.. Mais d'autres craintes me prenaient depuis la chasse au blaireau.

"-Tout se mélange. Mais je sais que notre rencontre m'a marqué. J'ignore ce qui découlera de tout ça. Mais il me sera impossible de l'occulter et de passer outre. J'ignore ce que je suis. D'où je viens. Je sais avoir été placée par mon père, il me semble, mais sans plus. D'où cet.. Aspect me vient, j'en ai pas la moindre idée. Mais ça mourra avec moi."

Je hoche doucement la tête, sans en rajouter plus. Oui j’allais bien et oui j’avais retrouvé mon ami. Mais inutile de s’engager dans des détails tant qu’elle n’avait pas répondu à ma question. Qu’est-ce qu’elle nous voulait ? Du mal ? Du bien ? Elle avait été avec les chasseurs, mais elle avait été droguée et son aura était clairement détectable. Du coup je me doute que même courte, cette question est complexe. Je fronce les sourcils pour me concentrer et tout comprendre quand elle répond. Elle me communique des informations sur son éducation et je hoche la tête, comprenant un peu le point de vue. Même si le ‘pourquoi’ m’échappait. Puis elle parle du fait de refouler. Refouler sa nature, son animal mais aussi ce qu’elle perçoit, ses propres déductions.

Je prends une inspiration. ‘Ça mourra avec moi’. Je ne relèverais pas cette formulation blessante, comprenant quelque part que c’est son éducation, mais cela ne me fait pas plaisir d’entendre ça. Je me redresse un peu sur le banc et me tourne vers elle.

« Pourquoi ? Pourquoi vous pensez que nous somme monstres ? Vous reprochez quoi ? »

Parce que oui, j’entend que nous sommes différents. Nous avons une anomalie. Nous faisons peur. Mais nous n’avons jamais essayer de renverser un gouvernement. Nous n’avons pas tenté de mener à bien une guerre mondiale, de conquérir le monde et de réduire les humains en esclavage.

« Pour vous, sachez que c’est génétique. On ne le choisit pas. Mais parfois ça… saute ? – ça saute des gens dans une famille. Et on a une personne qui ne se transforme pas. Mais ses enfants peuvent se transformer. Ou non. Parfois ça saute beaucoup de générations. »

Je hausse les épaules, peu impressionné par le fait qu’elle ne connaisse pas d’autres animorphes dans sa famille. C’était plus courant qu’on ne le croit.

« Vous vous changez en quoi ? C’est pour ça qu’on vous a attaqué ? Vous êtes en danger ? »

Une autre avalanche de questions. Mais je devais connaitre sa situation avant de pouvoir révéler plus sur nous.