Sorcha soupire longuement. Décidément l'année commence mal. Pourtant, tout s'est déroulé comme d'habitude. Il a fallu prendre l'avion pour l'aller retour biannuel vers Dublin puis se faire conduire par l'un des majordome de mamie, le grommelant sans âge cette fois-ci jusqu'au domaine irlandais. Elles y ont observé le bunker, toujours présent et visible du chemin d'entrée. Le château, toujours fièrement dressé et sagement entretenu malgré son peu d'habitant à l'année, décoré pour l'occasion. L'habituelle cousinade à se raconter ce qu'on a déjà raconté sur les groupes Whatsapp familiaux. Un petit solo de Livia pour profiter un peu d'avoir une musicienne professionnelle en activité dans la famille. Un peu du quintet aussi au grand dam de Sivan qui comptait cacher aux yeux de tous qu'elle avait légèrement oublié son violon au fond d'un placard depuis le séjour d'été. Le tout se finissant avec une cavalcade un peu arrosée des animorphes à l'abri des quatre murs du domaine. Un Noël normal, on vous dit.

Puis il avait fallu rentrer et c'est là où les choses se sont un peu corsé parce que figurez vous, comme dit maman qu'il y ait un début de défusion gémellaire en cours, un défusion contre laquelle Sorcha se bat sans se battre. Un être vous manque et le Monde s'en trouve dépeuplé . Le dicton n'a jamais été aussi vrai. Et c'est encore pire quand elle n'a rien à faire, à penser, à réfléchir. Au moins, au retour de janvier, elle a eu diverses missions de Mamie et les examens / projets / trucs à rendre , mais là, elle est censé affronter le calme plat de l'intersemestre seule parce que nombres de ses camarades sont retournées dans leur pénates plus ou moins lointaine. D'habitude, elle trouve toujours à s'occuper à cette période, mais là, clairement, ça ne vient pas. Même Dirluaine ne trouve pas grâce à ses yeux. Elle ne ressent plus aucune fierté, même en observant la coupure de presse avec son nom et sa trombine dans le journal qu'elle garde dans un coin de son smartphone pour craner un peu devant les copines (ça fait du bien aux chevilles)( techniquement, c'est papa qui a commencé, il a encadré la dite coupure dans le bar), aucune envie de ragoter, même pas depuis cette vague histoire de type à la recherche d'un blaireau avec des armes et dont elle s'est intérieurement dit que c'était peut être Simon , le copain de Brandon le renard , ou alors y'avait un truc dans la poutine du samedi soir et les gens sont devenus dingue. S'ils veulent vivre armés jusqu'aux dents, y'a les États Unis à 3h de route , ils gèneront personne et ils s'entretueront bien comme faux entre eux. Et Oncle Ezra écrira peut être un bouquin d'Histoire sur eux comme sur son général de la guerre de Sécession.

Bon, en tout cas, son mal-être semblait suffisamment visible parce qu'elle avait été officiellement convoqué pour passer la journée au bar pour papoter , manger des macaronis aux fromages de son papa, aider un peu au service histoire de dire que et se faire un peu chouchouter par son paternel à qui cela visiblement manquait un peu.  C'est pour cela qu'elle chipote devant son assiette de macaronis, perchée sur un tabouret de bar , boots  confortable aux pieds (parce que a dit service, dit marcher des kilomètres sur un parquet qui abime les talons hauts) pantalon velour noir et pull marin ample, rayé de bleue. Elle a même poussé le vif à se faire une queue de cheval .  Elle jette un regard vers l'entrée du bar dans laquelle des types s'engouffre. Sauf que Papa est pas là, papa est partie se battre en compagnie du cuistot avec une porte de frigo récalcitrante, genre parce que c'est ce que font tous les propriétaires de pub à 11h30 tapante. Elle soupire, se lève , choppe un calepin et un crayon derrière le bar et se dirige vers un premier type.

"Bonjour, qu'est ce que je peux faire pour vous !"

Bon, il manque peut être le sourire commercial mais au moins l'intention y est .