Hongrie. Deux semaines de vacances avec la famille.
Un bouquin de médecine dans les mains, j’écoute d’une demie-oreille ce que m’explique mon père. Il nous radote toujours les mêmes choses, le même devoir. Je lève le nez de mes pages pour observer les frangins écouter avec une attention toute particulière ces mots. Mais on la connaît par coeur, sa doctrine ! Je garde mon soupire pour moi, haussant juste un sourcil d’exaspération. Oui, notre famille traque les hommes pouvant se transformer en animal depuis des générations mais merde, nous sommes censés être en vacances les mecs ! J’ai été naïve et stupide de penser qu’on sortirait un peu de cette rengaine, qu’il la mettrait un peu de côté pour passer du temps en famille… Je me suis lourdement plantée. Quand il m’interpelle, je ferme violemment mon livre et le foudroie du regard avant de me lever.
« J’étouffe. Si tu me cherche, j’suis dehors. »
Sous le regard des jumeaux, je tourne les talons pour commencer à m’en aller. Je me stoppe quand la voix de mon père se fait ordre, j’en frissonne même. Ce n’est pas tous les jours qu’on le contredit ou qu’on ne l’écoute pas. Dans la famille, c’est lui qui commande et les autres exécutent. Et bien, j’en ai marre. Tout comme ces histoires d’héritage familial. Je fais un clin d'œil à Andrew, qui secoue faiblement la tête pour m’inciter à ne pas bouger au risque d'aggraver la situation, puis me retourne vers mon paternel. Je le regarde dans les yeux avant de faire un salut militaire parfait et de me barrer la seconde d’après, claquant la porte sous sa voix grondante. Je l’entends dire à mes frères combien ils ne doivent pas suivre mon exemple et un doigt d’honneur s’élève contre la porte. Bien sûr, je ne le ferai jamais devant lui. Je ne tiens pas à subir davantage ses foudres.
La maison que nous louons appartient à des amis, elle se trouve en plein milieu d’une vaste forêt. C’est très bien. Je vais me changer pour mettre des vêtements de sport et aller courir. Ça me changera les idées et ça me donnera l’excuse d’être fatiguée en rentrant après quelques heures. Je prends un petit sac dans lequel je mets une bouteille d’eau, un couteau, un bloc de magnésium, une lampe torche et une boussole. Sait-on jamais. La couverture de survie ? Non. Je ne compte pas non plus me perdre !
Je cours au travers de cette forêt inconnue, m’arrêtant parfois pour écouter les bruits d’animaux aux alentours. Y a-t-il ces animorphes en train de me regarder ? Cette idée me fait sourire alors que je reprends ma course. Qu’est-ce qu’ils viendraient foutre ici ? Je finis par me rendre compte que les arbres masquent bien plus la lumière du soleil que je ne le pensais. Alors je regarde ma montre après m’être stoppée pour constater que je suis partie depuis plus de quatre heures. Merde. Je sens que je vais me prendre un savon plus énorme que je ne le pensais.
Soupirant, je fais demi-tour, me repérant aux quelques marques que j’ai pu faire ou bien des détails que la forêt peut m’offrir : un arbre étrange, des branches formant des motifs particuliers et surtout mes traces de pas dans la boue. S’il voyait ça, je me ferais tuer.
Ne jamais laisser de traces de son passage.
« Ça va ! Y’a personne à des kilomètres à la ronde. » Je maugré toute seule avant de m’en rendre compte et de me trouver encore plus bête.
Lorsque je reviens à la maison, la nuit est totalement tombée et Andrew m’attend sur une chaise à côté de la porte. Son sourire me fait tout de suite oublier ma fatigue.
« C’est comment là-dedans ? » Que je lui lance, pour prendre la température et savoir à quel point j’ai mis notre paternel en rogne.
Mon frère hausse une épaule, ce qui me fait froncer les sourcils. Comment ça, il ne sait pas ? Andrew m’explique alors que les frangins et notre père sont sortis chasser, lui est resté ici pour m’attendre et s’assurer que je rentre. Il est celui dont je suis le plus proche et je pense que c’est réciproque. Je me fais cependant la remarque que je n’ai pas entendu de coup de feu dans les environs. Tout a été parfaitement calme.
« Ils en ont ramené un. Il est à la cave. »
« Quoi ? Tu veux dire un animorphe ? Arrête tes conneries. »
Son sérieux m’indique combien il ne plaisante pas. Ou du moins, combien le reste de la famille est persuadée de ce qu’elle a attrapé. Je passe mes doigts dans les cheveux -déjà décoiffés- de mon petit frère et le remercie de m’avoir attendu avant de disparaître dans la maison. Direction la cave. Je délaisse mon sac en haut de l’escalier et me stoppe sur une marche en entendant la voix autoritaire de mon père. Encore un de ses entraînements ? J’inspire profondément en me disant qu’Andrew n’avait pas l’air très bien. Quand j’arrive en bas, je suis surprise par ce que je vois : deux cages sur ma droite, sur de la terre battue et une pièce, style salle de repos improvisée. Je ne m’annonce pas mais avance doucement jusqu’à voir mon père, un couteau à la main face à un… agneau ?
« Nan mais tu es sérieux ? C’est ça ton animorphe ? C’est qu’un bébé ! »
En tout cas, il n’a pas une bouille d’adulte ni la taille. Bien que je ne m’y connaisse pas vraiment dans tout ce qui est mouton et autre. Mon père frappe le museau de l’animal avant de sortir de la cage. Sa haute carrure me donne toujours autant l’impression d’être une gamine de dix ans.
« Tu n’as donc jamais rien écouté de ce que je vous ai enseigné ? » Sa voix est tellement calme et grave que c’est pire que s’il m’avait crié dessus. Je sens presque la déception se mêler à ces mots, à ses gestes quand il me contourne pour remonter.
Statut civil : CélibataireMarque : "La douleur s’ancre autour de moi" inscrite sur la voute plantaire droite.Gif : Occupation(s) : Médecin légiste
GET OUT
So things look bad, and your back's against the wall Your whole existence seems fuckin' hopeless You're feelin' filthy as a dive bar bathroom stall Can't face the world sober and dopeless You've lost your way, you think your life is wrecked Well, let me just say you're correct
Musique de mission impossible : ON !
C'est partit pour une petite balade en forêt de plusieurs jours... Et j'y vais... Avec ma bite et mon couteau, littéralement. Bon, d'accord, sans couteau. Le fait est que ma première transformation s'est très agréablement bien passé. Ouais, j'aurais aimé pouvoir être un gros machin plein de griffes et de dents, mais quoi de mieux qu'un mouton pour pouvoir survivre en pleine nature ? Je marche précisément sur ma propre bouffe ET je me crée mon propre manteau ! Ma mère est absente de la maison pour encore huit jours, je n'ai absolument pas l'intention d'aller en cours, à moi la nature !
Je saute par la fenêtre, seulement armé d'une couverture rouge autour de mon cou, comme un supermouton. Je sautille sur le chemin, puis dans la prairie, et enfin dans la forêt. Dans cet endroit reculé, il n'y a rien ni personne qui pourra m'arrêter... À part les autres moutons qui ont décidé de me suivre. Je rejoins un troupeau de moutons sauvage dans les Balkans et continue, encore et toujours. Tout ce que je ne vois pas, je l'imagine. Ce petit papillon devient une fée quand il passe à l'orée de ma vision. Ce nuage cache sans doute un dragon, mais je suis bien incapable de le voir. Cette ombre est un Croquemitaine en mal d'enfants à traumatiser.
Quand je suis un mouton, je rêve en plein jour, et rien ne pourra jamais arrêter ça...
...À part peut-être ces hommes qui se mettent à courir vers moi.
La musique dans ma tête s'arrête brutalement et je les avise. Je n'ai rien contre le fait de croiser un ou deux promeneurs, voire traumatiser des gardes frontières, ou encore aller amuser des gens qui se sont perdus, mais je n'aime pas comment eux se dirigent vers moi. Ils crient, ou du moins, l'un d'eux crie des ordres aux autres. Ils parlent, mais je suis trop en mouton pour comprendre quoi que ce soit. Je me retourne et commence à bondir dans l'autre sens.
Nouveau cri, et quelque chose m'arrête net. Ma cape-couverture-rouge a s'est retrouvée coincée par un genre de piège étrange qui plante des trucs dans d'autres trucs. Je me débats, essaie de tirer en arrière, à m'en étrangler. J'entends des rires, mais pas ceux que j'aime entendre. Même mon corps ne pourra pas rivaliser, je ne suis encore qu'un gamin après tout. Je vois alors quelque chose briller, une lame, ou peut-être une aiguille. Cette fois, je me calme immédiatement. J'entends quelqu'un qui approuve, comme si je venais de les confirmer dans une idée. Laquelle ? Bonne question ! Si vous avez la réponse, envoyez votre courrier à moi, écrivez vite !
Je suis soulevé du sol sans ménagement, la totalité de mon champ de vision devient un sac de toile en très gros plan. Ensuite, je sens qu'on m'enserre les chevilles, puis le cou. Cette fois, je me mets en mode vibreur en tremblant de tous mes muscles... On m'entraine, je ne sais pas vers où, mais tout ce que je sais est que jamais je n'oublierai le visage de ces hommes, ni leur odeur, d'ailleurs.
Le temps passe beaucoup trop vite, ou bien trop lentement. Quand on me vire le sac de la tête, il me faut quelques secondes avant de m'habituer à la lumière artificielle. Quelle heure il est ? Je donnerai n'importe quoi pour que ma maman arrive, là, tout de suite ! Promis, je ne fuguerais plus, je regrette !
Nouvel éclat, la lame d'un couteau, j'en suis certain, et je me recroqueville. Cette fois, je comprends distinctement ce que le monsieur dit.
"Il ne réagirait pas ainsi, s'il ne savait pas ce qu'était un couteau..."
C'est alors qu'une porte s'ouvre, quelque part au-dessus de nous. Une fille entre et... Moi ? Un bébé ? Je n'ai pas envie de négocier. Le mec l'engueule, mais moi, je la regarde, droit dans les yeux. S'il y en a une qui peut me tirer ce mauvais pas, c'est bien elle !
Je déteste l’idée de ne pas être à la hauteur de ce qu’il attend de moi. J’ai beau ne pas vouloir adhérer à leur doctrine d’extermination, cette déception dans la voix m’est particulièrement désagréable. Comme n’importe quel gosse qui se met un peu trop la pression. Je secoue la tête pour sortir de mes pensées et je pose mon regard sur l’agneau qu’ils ont ramené. Et je me fige. Il capte mon regard d’une façon qui me donne froid dans le dos. Un animal ne peut pas faire ça ! En tout cas, pas avec autant d’intensité. Pas avec autant… D’humanité ?
N’importe quoi ! Il est peut-être simplement plus intelligent que la moyenne des moutons ?
J’entends des pas venir dans ma direction et je constate qu’il s’agit d’Andrew. Nous avons toujours été proches et je vois combien il n’apprécie pas la situation, presque autant que moi. Arlo et Aimery ont beau être les jumeaux de la fratrie, nous n’avons rien à leur envier. Le jeune homme vient s'accroupir doucement devant la cage et ose approcher une main, comme pour vouloir toucher notre pensionnaire involontaire.
« Tu sais ce qu’ils lui feront si c’en est vraiment un… »
Je secoue la tête et viens poser une main sur l’épaule de mon jeune frère. Nous sommes sûrement nés dans la mauvaise famille, Andrew et moi. Nous n’avons pas cette haine pour l’autre ancrée dans notre ADN, nous ne voulons pas de cet héritage. Je caresse du bout des doigts le tatouage qu’il a à la nuque, le même que tous les De Rune depuis des générations et je soupire.
« Tant qu’il ne leur donne pas raison, ça devrait aller. »
Du moins, je l’espère. Nous avons déjà tous pu voir combien nos parents peuvent faire taire leurs émotions et être sadiques. Ils disent que c’est pour notre bien, pour nous forger mais clairement, je ne vois pas ce qu’enfermer cet agneau ici est pour notre bien ! Quel mal peut bien faire un mouton ? Bouffer toutes nos plantes ? Je me détourne de la cage, légèrement énervée, pour aller trifouiller dans l’autre pièce quelques instants. Quand je reviens, j’ouvre la trappe pour lui déposer un saladier d’eau fraîche. Le laisser sortir ? Ce serait trop risqué pour le moment. Déjà ses sabots risquent de faire un bruit d’enfer sur le sol en bois et le porter dans les escaliers va s’avérer un petit exercice physique.
« Il va vouloir te tester. Si tu veux pas l’énerver, fais ce qu’il te dit. »
Est-ce que l'agneau nous comprend quand nous parlons ? Est-ce qu’il se rend compte combien c’est dangereux pour lui d’être là ? A voir ses yeux aller d’Andrew à moi, j’ai l’impression qu’il suit notre conversation. Alors il pourrait vraiment devenir humain, sous nos yeux ? Je ne sais pas si j’ai très envie de voir ça. Enfin… Si. Bien sûr. Mon côté curieuse aimerait même savoir ce qui se passe dans l’organisme de ce jeune mouton pendant le passage d’un corps à un autre mais… Si les autres le voient aussi, il est sans doute mort, et pas de la façon la plus agréable qui soit.
« Si tu nous comprends vraiment… » Je m’avance proche de la cage, lève les yeux du côté des escaliers, la porte est-elle ouverte ? Est-ce que quelqu’un nous entend ? Ayden fait-il le guet pour aller tout raconter à notre père ? Dans le doute, je baisse la voix. « Quoi qu’il se passe, ne leur donne pas raison. »
Je n’ai aucune envie de voir le cadavre de ce jeune mouton avec les tripes à l’air pour le petit déjeuner. Jamais en fait. D’un seul mouvement, Andrew et moi nous relevons et nous éloignons de la cage quand la porte des escaliers s’ouvre. La silhouette de notre mère nous apparaît à l’étage et elle nous informe que le dîner est prêt. Son ton est aussi tranchant que celui du paternel et je suis certaine de prendre un putain de savon dès que je serais remontée. Mais c’est sans doute mieux que d’être enfermée dans la cave…
« Laisse la lumière de l’autre salle, pour ne pas qu’il soit dans le noir. Au pire, on dira que c’est un oubli. »
La soirée se passe comme prévue : des cris, des engueulades et se termine avec la porte de ma chambre claquée. Nous n’aurions pas dû vouloir défendre l’agneau et traiter le reste de la famille de meurtriers cinglés. Ça n'est pas très bien passé.
Je suis réveillée avant le lever du jour, par un seau d’eau froide et le regard noir de mon père. Merde. Il est toujours furax. A-t-il seulement dormi ? Ou a-t-il passé la nuit à la cave ? Nous aurions dû verrouiller la porte qui y mène et planquer la clé…
« Suis-moi. Et ne fais pas d’histoire. »
Je m’essuie le visage avec un morceau de drap encore sec et je ne le fais pas répéter. Quand nous prenons la direction de la cave, je prie presque pour que l’animal soit encore en vie et pas trop amoché. J’aurai dû mettre un pantalon de jogging et un gilet aussi. C’était pas une bonne idée de descendre en short et tee-shirt… Les jumeaux sont déjà là. De vrais petits soldats ces deux-là. Et je suis sûre qu’ils ont pris un malin plaisir à torturer psychologiquement le prisonnier en lui expliquant ce qu’ils lui feraient s’il reprend forme humaine.
« Entre. » La porte de la cage s’ouvre, Arlo a une matraque dans une main, sûrement pour dissuader l’agneau d’en sortir et mon père me tend une tondeuse. « Quand ta mère sera réveillée, on va le marquer. La douleur devrait le faire réagir. En attendant, tu le tonds. Je suis généreux, je te laisse choisir la zone. »
Je me retrouve donc frigorifiée et enfermée avec la pauvre bête, une tondeuse à la main. Une fois totalement seuls, je baisse les yeux vers l’animal. Est-ce qu’un mouton peut virer carnivore ? Question con...
Statut civil : CélibataireMarque : "La douleur s’ancre autour de moi" inscrite sur la voute plantaire droite.Gif : Occupation(s) : Médecin légiste
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So things look bad, and your back's against the wall Your whole existence seems fuckin' hopeless You're feelin' filthy as a dive bar bathroom stall Can't face the world sober and dopeless You've lost your way, you think your life is wrecked Well, let me just say you're correct
. Alors c’est ainsi que ma vie va se terminer ?
Ils savent que s’ils me tuent, ils devront se débarrasser d’un corps humain ?
Je ne bêle pas, je reste calme et je fais la seule chose que je puisse faire : Observer les visages avec attention. Le monsieur, je suis certain de ne pas l’oublier, et j’enregistre le visage de ses enfants dans ma mémoire à long terme… Enfin ses rejetons, parce qu’ils ont l’air plus âgés que moi, peut-être même majeurs. La fille a l’air d’être le genre à toujours avoir quelque chose derrière la tête, hormis ses cheveux.
Bordel
J’vais mourir ici… Et je parle de ses cheveux !
Dites à ma maman que j’empruntais pas son aspirateur pour faire le ménage tard le soir dans ma chambre !
… enfin si elle me cherche, ce qui n’est pas certain. La vérité est sans aucun doute qu’elle ne sait même pas que je suis partit.
Non, on se concentre, je déciderai de mon épitaphe plus tard. La cage, je ne peux pas l’ouvrir, même avec des mains humaines. A mon avis, c’est fait exprès. Le jeune homme vient approcher sa main de moi, une main que même mon instinct le plus sauvage me somme d’approcher pour m’y blottir. Si j’avais été un carnivore, je l’aurais sans doute mordu. Cependant, je ne m’en approche pas, je reste contre les barreaux de la cage qui vibrent avec mon tremblement. Qui sont cette famille ? Ils parlent en anglais, et je suis vaguement leur conversation. J’arrive à percevoir les expressions du visage, et j’éprouve un sentiment de compassion vis-à-vis de la nana… Je déteste ce sentiment. C’est ELLE qui est en liberté, putain ! Les moutons sont décidément trop gentils.
Elle s’adresse à moi, directement, et je comprends ce qu’elle me dit. Merde. Alors ils savent que je suis un humain ? Il existe réellement des chasseurs de nous ? Si je m’en sors, je pense que je n’en parlerai à personne, pas même à ma maman qui pensera que je fais encore mon intéressant.
Rapidement, je suis abandonné pour la nuit, seul… Je déteste être seul...
Bon, le plan est simple : s’évader ! Je m’apprête à reprendre ma forme humaine quand quelque chose me dit que c’est une mauvaise idée. Et si j’étais filmé ? Et si la miss ne m’a pas laissé dans le noir justement pour qu’on puisse me voir ? Je souffle, un petit souffle de petits poumons de petit agneau. Finalement, je ramasse mes jambes sous moi et me couche. Je redresse la tête alors que j’entends des cris plus haut. J’écoute, essayant de dégager une information ou une autre, puis, ça se calme, et ça me laisse seul…
Je déteste être seul.
Je l’ai déjà dit ?
Je déteste être seul !
Finalement, je pose ma tête sur mes pattes et ferme les yeux sans pouvoir dormir… Enfin j’ai dû m’endormir à un moment donné car quelqu’un s’approche, et ma position a changée pour quelque chose d’un peu plus animal. Je sursaute d’un bond qui me fait cogner la tête contre la cage. Je peux être plus mouton que d’ordinaire ? Peu importe, cette fois, je bêle. Il y a cet homme qui me regarde et qui grimace. Moi, je tremble, il s’avance, je m’approche, il me frappe d’un bon coup de poing sans sommation. Finalement, il se lève pour prendre un seau et le remplir d’eau. J’ouvre la bouche pour constater que j’ai effectivement soit, terriblement soif. Il revient vers moi et je m’apprête à rassasier ma soif… mais il ne fait que cogner ma cage d’un coup. Je me recroqueville d’autant plus. D’autres personnes viennent et leur sourire sont aussi doux et innocents qu’un enfant qui a trouvé la planque à bonbon de son meilleur ennemi. Le mec grogne encore et se barre, emportant MON seau d’eau avec lui. Je me mets à vouloir le suivre, mu par un instinct que je ne me connaissais pas, mais je me prends les barreaux de ma propre cage en pleine tronche.
What the actual fuckity fuck ?
Les deux autres jeunes se jettent sur la cage, se mettent à singer des bruits d’humain… C’est ce qui se passe de mon point de vue. L’un d’eux arrive à se saisir d’une de mes oreilles et tire fort, un autre arrive à me prendre une patte. Ils parlent, me menacent, mais je ne comprends pas. Soudain, ils me lâchent et se postent face à moi.
Le grand monsieur patibulaire revient avec la fille avec lui et je penche la tête quand je la vois, montrant mon œil en sang.
Help !
Ma cage s’ouvre et même si je pouvais sortir en bousculant le jeune, je ne le fais pas. Je suis trop terrorisé.
Me… tondre ? C’est bien ce qu’il a dit ? On peut prendre une tonte spéciale automne hiver avec petite boucles sur le dessus ? En tout cas, il enferme sa propre gosse avec moi. Il est étrange, non ? Elle a effectivement une tondeuse à la main et je… ME MARQUER ! Non ! Non non non non… Non ! On se calme. Des milliers de moutons se font marquer chaque année directement sur le visage. Ils n’en meurent pas, que je sache, sinon ce serait pas quelque chose qui se ferait.
Madame ?
Une jambe, siouplé.
Elle s’approche, je me recroqueville d’autant plus, bêle, et laisse dépasser un cuisseau comme un fait exprès.
Je me sens putain de mal d’être enfermée avec l’agneau, sous les regards amusés des frangins. Ils n’attendent qu’une chose : que je désobéisse encore au paternel pour pouvoir s’occuper de l’animal eux-mêmes. Ils n’ont pas besoin de le dire pour que ce soit une réalité bien présente. Je soupire et leur fais signe de se barrer.
« Cassez-vous putain ! » Je tape contre les barreaux de la cage pour leur faire peur. Ils rient et mais daignent malgré tout quitter la cave. C’est déjà ça de gagner.
Il ne reste maintenant plus que le paternel qui observe autant l’animal que moi. Je soupire et me tâte à lui gueuler dessus aussi. Mais je sais que l’effet ne sera sûrement pas le même qu’avec les jumeaux. Je lui fais malgré tout un signe de la main pour qu’il remonte à l’étage. Y’a pas besoin d’avoir des témoins pour ce qui va suivre.
« J’ai compris. Il s’ra tondu. Tu peux r’monter. »
Je baisse les yeux vers l’animal quand nous sommes enfin seuls. Il a l’air totalement apeuré. Non, en fait, ce n’est pas une impression, il tremble littéralement de peur ! Je ne suis pas sûre que ce soit très humain d’agir de la sorte, même contre quelqu’un qu’on déteste. Je fini par m’approcher de lui doucement, j’ai pas très envie de faire lâcher son petit cœur sous une crise de panique.
« J’vais pas te faire de mal. » Je souffle sans trop savoir s’il me comprend vraiment ou non. Alors du coup, je viens caresser le haut de sa tête après m’être accroupie à côté de lui.
C’est tout doux ! J’inspire et lève les yeux au plafond devant cette pensée somme toute stupide au vu de la situation. Ok… On se reprend Anna.
Je m'assois carrément à côté de l’animal, continuant de le caresser comme pour essayer de le détendre. Je ne suis pas sûre que ça fonctionne mais ça m’apaise un peu. Je n’ai clairement pas envie de le tondre. Non, j’ai clairement pas envie de la suite après la tonte. C’est quoi cette histoire de marque au juste ? Est-ce pour s’amuser à ses dépends ? Si ce n’est qu’un pauvre animal, il n’y aura pas de conséquence mais s’il s’agit effectivement d’un être capable de prendre forme humaine, est-ce que sa famille n’est pas à sa recherche ? Bordel de parenté de merde !
Je finis par voir cette patte qui dépasse un peu et me demande si ce n’est pas fait exprès. S’il ne le fait pas exprès. Comment ont-ils pu savoir qu’il s’agissait d’un animorphe ? Il m’a tout l’air d’être un simple agneau ! Ma main finit par atteindre sa patte et je l’observe.
« On fait ça ici ? » Sa réaction me fait sursauter, c’est comme s’il répondait vraiment à ma question. Merde. J’inspire et hoche la tête. De toute façon, si ce n’est pas moi, ça sera l’un des autres et je pense être la meilleure option pour lui. « Ok. On fait ça vite et bien et on en parle plus. »
J’ai l’impression qu’il tremble encore plus alors que j’active la tondeuse. J’entends alors mes jambes et lui fait signe de venir contre moi. Je doute qu’il ait froid avec sa laine sur le dos mais peut-être qu’il sera un peu plus rassuré s’il a un peu de chaleur contre lui ? Ok. Vu comment je suis fringuée, c’est surtout lui qui me tiendra chaud mais hé, faut tirer profit de chaque situation !
J’attends autant de temps qu’il lui faut pour se décider et comme je n’ai pas de montre, je suis incapable de dire s’il se décide vite ou non. Mais c’est pas comme si j’étais pressée. J’ai jamais tondu personne. Enfin, si, j’ai dû le faire sur les cheveux d’Andrew quand on était beaucoup plus jeune, pour emmerder les parents mais c’est clairement pas pareil !
Finalement, l’agneau bouge et s’approche de moi mais je sens qu’il n’est pas vraiment serein. Tu m’étonnes ! Je le laisse s’installer, lui gratouille le haut de la tête et j’attends encore un peu.
« Va falloir le faire p’tit gars. Sinon ça sera pire si c’est eux qui le font. »
Doucement, j’attrape sa patte arrière droite et actionne la tondeuse pour commencer le travail. Si je peux être quelque peu brute parfois, depuis que je suis enfermée avec lui, je suis admirablement douce. Si je n’apprécie pas ce qui se passe actuellement, je ne peux même pas imaginer ce qui se passe dans son esprit, animal ou non.
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Elle est agressive ! Je ressens ça jusque dans ma chair, son agacement, ainsi que la reverberation des barreaux. Elle déteste ses frangins, je peux le sentir, j'en friserais presque ma laine d'agacement si je n'étais pas si terrorisé.
Tondu ? Mais j'ai pas couché avec des naz... Non, je ne ferai pas cette blague, même en moi-même. Enfin, nous nous retrouvons tous les deux. J'espère qu'elle va me faire sortir, j'espère qu'elle... Non ? Elle n'en a pas l'intention. J'aimerais être en colère contre elle, mais avec cet instinct grégaire à la con, je la comprends. Si c'est pas moi qui prends, c'est elle. Bordel.
Elle pose sa main sur ma tête et j'apprécie ce contact. Après cette nuit, j'aurais apprécié n'importe quel contact de n'importe qui, mais je préfère. Finalement, elle prend place à côté de moi et nos côtes se touchent. Je ne fais rien pour m'éloigner comme elle n'a rien fait pour éviter que je sois contre elle. Je l'observe et j'ai presque envie de l'encourager... Allez, qu'on en finisse. Plus rapidement, tu seras débarrassée de moi, plus rapidement, je serai libre... Ou je serai un méchoui ? C'est assez particulier de me dire qu'ils me font ce qu'ils me font parce qu'ils soupçonnent que je sois humain, mais espérer qu'ils me laissent tranquille après.
Je baisse la tête à sa question. Loin du visage, si possible, et loin de ma moelle épinière. Je ne sais pas si ça va changer quelque chose niveau douleur, mais c'est toujours ça de pris.
Le bruit de la tondeuse me fait sursauter. C'est idiot, c'est juste une tondeuse. Bon, je sais que j'ai pas encore l'âge, mais c'est un bruit si strident que je sais que je vais le détester jusqu'à la fin de ma vie. Sans l'avoir remarqué, je me suis collé contre la cage, au côté opposé au sien. Elle attend, j'hésite, avant de venir dans ses bras. Elle remet la machine infernale en route, mais je suis plus serein qu'avant. Elle me caresse, et ça, c'est chouette ! Je regarde attentivement à ce que la machine ne remonte pas trop haut... Mais je comprends qu'elle ne peut pas faire ça trop bas non plus ou ils choisiront un autre endroit.
Je sais ce qui se passe, ils sont en train d'essayer de faire en sorte que leur fille entre dans le rang. À mon avis, l'idée que ce soit elle qui me marque va même germer dans leur esprit.
Je déglutis tandis que je sens de l'air frais se glisser sur la peau de ma cuisse.
Les poils tombent les uns après les autres sur le sol en terre battue de la cave. Je fais ça en silence et je tente de m’appliquer au mieux pour ne pas le blesser avec la tondeuse. On sait jamais. En tout cas, je dois dire que le fait qu’il soit contre moi est une bonne chose : il me réchauffe vraiment avec toute cette petite laine ! Clairement, je ne referais plus la même erreur.
Une fois terminé de le raser, je continue de passer ma main dans ses poils, de gratouiller le haut de sa tête. Je ne sais pas trop qui j’essaye de rassurer en faisant ça. Lui ou moi ? Peut-être bien les deux. Je n’ai vraiment pas envie de la suite. Quant bien même il est vraiment capable de se transformer en humain, qu’est-ce que ça peut vraiment faire ? C’est pas un agneau qui va se montrer dangereux pour qui que ce soit ! Non, j’ai pas envie de l’admettre mais si mes parents disent vrais, alors il risque d’y avoir une disparition de gamin dans le coin. Ils ne vont pas le laisser repartir et ils risquent même de vouloir l’étudier. Ici ? Je chasse mes pensées morbides à l’idée qu’ils le ramènent en soute jusqu’à la maison.
Je ne sais pas combien de temps passe avant qu’ils ne descendent, je pense que je me suis assoupie contre cette boule de poil. Ce sont les bruits de pas dans l’escalier qui me font sursauter et me réveillent.
« Bien. On va passer à l’étape suivante. Va t’habiller. »
Mon père jauge et juge l’intérieur de la cage avant de l’ouvrir. Je délaisse l’animal pour sortir rapidement. C’est que j’ai déjà assez fait ma rebelle pour le restant des vacances. Si je ne veux pas subir davantage son courroux, je vais devoir faire ce qu’il dit. Je monte rapidement à l’étage, enfile pantalon et tee-shirt manches longues et j’attache mes cheveux avec de quoi ouvrir une porte comme celle de la cave. D’accord, il se peut que je ne fasse pas entièrement ce qu’il va me dire. Et il n’est pas question de maltraiter pendant des jours un pauvre animal !
Je redescends rapidement, passe par la cuisine pour choper deux morceaux de pain. Un pour moi, que je ne me prive pas de manger dès maintenant. L’autre que je glisse dans la poche de ma veste que j’ai attrapé en passant, pour le prisonnier. C’est peu, je sais bien mais je ne peux pas faire grand chose de plus pour le moment.
Les frangins sont tous là. Les jumeaux, fils à papa, ont leur éternel sourire aux lèvres, fiers de l’écouter au doigt et à l'œil. Il n’y a qu’Andrew, qui semble ne pas être à sa place non plus. Je lui fais un rapide sourire complice. Un jour, on sortira de cette famille.
Mon père me montre alors une petite forge mobile, déjà allumée avec des flammes rouges à l’intérieur. Bordel. Qui possède ça dans sa cave ?
« Les jumeaux vont le tenir. Annasta, tu t’occupes du fer. » Chier. Je suis à deux doigts de tourner les talons et de laisser tout en plan, de lui faire un doigt d’honneur et de me barrer pour ne plus revoir ces tronches de psychopathes. Mais je fais l’erreur de laisser mon regard se poser sur la victime principale de cette situation. J’inspire profondément. Si c’est pas moi, et que c’est Arlo ou Aimery qui tiennent le fer, il est certain qu’il va morfler plus que nécessaire. Alors je hoche la tête et vais prendre les gros gants posés à côté de la forge.
« Vous savez qu’on a l’air de gros psychopathes, avec ce qu’on s’apprête à faire ? » Je ne peux pas m’empêcher de l’ouvrir et je vois dans le regard de mon père que ma remarque ne lui plaît absolument pas. Alors il ordonne à Andrew d’ouvrir la porte pendant que les jumeaux s’approchent de la cage pour attraper l’animal. « Mais faites… ! » Attention ? Je ferme ma bouche et me mords la lèvre inférieure en croisant le regard de mon frère. Oui, il a raison, il faut que je me taise si je ne veux pas empirer la situation.
Dans un coin de mon esprit, j’entends une douce mélodie qui appelle au lacher prise de mes émotions. Oui, il vaut mieux ne pas être trop empathique avec ce qui va suivre. Alors je me laisse bercer par ce son indescriptible mais plus que bienvenue. Ça me permet de ne pas entendre s’il se met à beuler de peur. Je dois faire ce qu’on m’a demandé : point. Alors je m’approche de ma cible, le fer rougis par le feu dans une main gantée.
Froide et éloignée de ce qui se passe réellement, j’appose le fer brûlant sur la peau tondue de l’agneau. Les jumeaux ont beaucoup de mal à le maintenir tranquille malgré sa petite taille. Andrew, qui ne supporte plus la scène, s’est enfui et est remonté. Je ne peux pas me permettre la même chose. Mes gestes sont mécaniques mais précis. Et quand je croise le regard du paternel, je sais qu’il est fier de ce qu’il voit, de la façon dont je peux me détacher de tout pour faire ce qui doit être fait. Putain de malade.
Je crois que l’agneau s’évanouit ou qu’il n’est pas très loin de le faire quand il est remis dans la cage, sans aucune délicatesse de la part des jumeaux. Je replace le fer et éteins la forge toujours sans rien ressentir qu’un vide dû à cette douce mélodie.
« Très bien. Maintenant on attend. Si c’est l’un des leurs, il deviendra humain. »
Adossée contre le mur humide en face de la cage, j’hoche vaguement la tête en regardant le résultat de ce que je viens de faire. L’instant d’après, je n’entends plus la mélodie et j’ai très envie de gerber. Bordel.
« J’reste là. J’vous préviens s’il se passe quelque chose. C’est à moi de le surveiller. » Il reste de la froideur dans ma voix qui semble plaire au paternel qui tourne les talons après avoir posé sa main sur mon épaule. Super, il est fier.
J’attends qu’ils soient tous remontés et que la porte soit fermée pour aller trouver de l’eau pour me rincer la bouche. J’ai un terrible goût. Puis j’approche de la cage, cette fois, ils ont laissé la clé à proximité, sur un mur. Je l’attrape et entre dedans pour m'asseoir à ses côtés, avec une grande délicatesse. Je retire ma veste et la lui met sur le haut du corps. Je ne sais pas s’il va avoir froid mais avec un tel choc, c’est bien possible. Le sortir maintenant de la maison ? C’est trop risqué.
Statut civil : CélibataireMarque : "La douleur s’ancre autour de moi" inscrite sur la voute plantaire droite.Gif : Occupation(s) : Médecin légiste
GET OUT
So things look bad, and your back's against the wall Your whole existence seems fuckin' hopeless You're feelin' filthy as a dive bar bathroom stall Can't face the world sober and dopeless You've lost your way, you think your life is wrecked Well, let me just say you're correct
Je déteste ce bruit à la fois aigue et vrombissant. La fille qui s'occupe de moi est douce et gentille, mais elle est trop obéissante. On dirait le dernier né d'un troupeau qui saute dans un ravin. Elle les suit, et les suivra jusqu'au "plotch" final. La question est à présent de savoir s'ils vont me libérer avant ou après. Enfin, la tondeuse arrête de grogner et la fille continue de me caresser. Ses gestes sont nerveux, et presque possessif. Non, ce ne sont que des idées en l'air. La respiration devient de plus en plus lente et j'essaie de la calmer comme je peux. Nous sursautons ensemble quand nous entendons quelqu'un descendre. Bon, qu'est-ce qyu "fait" mouton ? Le fait de bêler ? Ça, c'est fait. Le fait de sautiller ? Oui, mais non, ou pas tout de suite. Paniquer, ça fait mouton aussi ! J'espère, parce que je sens mon coeur s'emballer. Plus ça va, plus je doute de revoir la lumière du jour.
Une pensée, furtive et triste me parvient : il est plus que certain que ma mère ne se soit même pas rendu compte de ma disparition encore. Je pense même qu'elle ne va pas s'en rendre compte avant plusieurs jours. En bref, s'ils me tuent, ils s'en sortiront parfaitement bien. Quand la fille se barre, je me mets à bêler furieusement, puis avec un peu plus de trémolos dans la voix. Ça a des trémolos, les moutons ? Non. Alors je le fais plus franchement, jusqu'à en devenir assourdissant. Finalement, je me jette contre les barreaux, encore et encore. L'adulte me regarde avec un air de doute sur son visage. Oui ! Je l'ai vu ! Il doute. Alors je bêle et me cogne encore. Aucun humain ne serait assez stupide pour croire qu'après avoir chargé 5 ou 6 fois, la 7ème a de grande chance de ne pas passer.
Les sales mômes arrivent, ils me toisent en riant et l'un d'eux prend un bâton pour frapper sur la cage. Je reprends mon manège et commence à charger de l'autre côté de la cage, m'étourdissant un peu plus à chaque fois. Le père arrête son gamin au moment où il remarque une goute de sang près de mon oreille. Il s'approche, m'attrape par le cou, et récupère cette goutte de sang. C'est... une famille de vampires ? C'est ça ? Non. C'est idiot. Les vampires ne se reproduisent pas comme ça. A moins que ce ne soit un type qui ait décidé de choisir parmi les mortels une femme et des enfants... Ce serait un film que j'irais voir, ça !
Avec mes coups dans les barreaux, je ne remarque pas tout de suite l'autre enfant qui semble un peu plus en retrait. Du coup, je bêle dans sa direction.
La fille revient et je ne peux m'empêcher de secouer la qu... mon appeindice caudale. Oui, c'est un petit truc que j'ai appris à faire, et qui me vient assez naturellement depuis, dès que je suis content de voir quelqu'un en fait. Ou dès qu'on me gratouille derrière les oreilles aussi, ou à la naissance des cornes.
Le fer.
Je secoue la tête, encore très étourdit. Je ne suis plus très à même de comprendre ce qui se passe, mais cela m'aide à avoir un comportement particulièrement animal. En bref, je me laisse aller dans ce que j'ai de plus mouton possible. Même la miss, je ne la regarde plus comme avant.
Ça sent mauvais, littéralement.
Ça sent le brûlé, et c'est une odeur qui vient se marquer au fer rouge dans mon crâne.
Cette fois, je me débats furieusement alors que quatre mains parfaitement coordonnées m'attrapent. L'un d'entre eux lâche sa prise, mais m'attrape encore plus fermement. Je regarde la fillette qui semble être prise d'une transe étrange. Oui, je suis devenu un animal pour elle. Merde !
Je me débat d'autant plus sauvagement, me laissant totalement aller à la panique la plus totale.
Au moment où le fer rougis touche ma peau... rien n'aurait pu me préparer à la souffrance qui a suivie. Elle est aigüe poignante, insupportable. J'hurle, sans même penser à me retenir, comme si la puissance de mon cri pouvait calmer ce que je ressens. A un moment donné, je vois la scène d'un point de vue extérieur, et je me dis quelque chose de précis : cet agneau va mourrir. Il va être sacrifié au nom d'une quelconque action, et je ne serais plus là pour voir de quoi il s'agit. En fait, je ne serais plus là pour grand-chose. Tandis que la souffrance m'irradie et que je sens au fond de moi que cette marque restera gravée à vie sur mon corps, j'arrive à me dire que ce n'est pas grave, que ma vie ne vas pas continuer plus longtemps. Oui, j'en viens à vouloir qu'on m'achève. Ne rien connaître de la vie, ne pas faire mes études, ne pas dire à ma mère ce que je pense... tout cela me paraît être une piètre comparaison par rapport à la douleur que je ressens.
Ma conscience arrive jusqu'à moi, tranquillement. Elle me propose, entre les hurlements et les reflexes, de couper simplement tout contact avec l'extérieur. Seulement, si je tombe évanouis, je tombe en tant qu'humain. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir passé tout ce temps en mouton, ou les coups assomants que je me suis infligé, mais j'ai la sensation qu'il m'est plus facile de rester en mouton pour le moment. Ne le savent-ils pas ? Non. Ils ignorent tout de notre condition ! Cet espoir fait rejaillir ma conscience au premier plan, mais aussi d'autant plus de douleur, si ça avait pu être possible. Je suis arraché du fer rouge, et la sensation est d'autant plus attoce. La douleur qui aurait dû accompagner ma remise en cage ne semble plus rien être.
C'est pour cela qu'ils attendent. Normalement, ils savaient que s'il y avait dû avoir transformation, ça aurait dû être sur le coup, pas après. A moins que la panique ne fasse le reste ? Je vois mes petites jambes trembler. Oui, sans doute.
Sans réellement savoir ce qui se passe, je me retrouve dans le noir... Ou plutôt sous une veste. La panique me vient et, cette fois, mon cerveau ne me laisse pas le choix. Pendant quelques secondes, je retrouve mon corp d'adolescent, nu. Je murmure.
"...Köszönöm szépen... Merci..."
Mais la douleur se rappelle à moi alors que mes chairs humaines se réassemble. Jamais je n'avais retrouver mon état de mouton si rapidement. Quand je sors la tête de sous le manteau, je suis à nouveau un mouton, toute oreille tendues, pour savoir si quelqu'un d'autre va venir. Rapidement, l'instinct prend le dessus et je commence à renifler dans sa poche. Il y a quelque chose qui me fait bien envie là-dessous.
Hongrie. Deux semaines de vacances avec la famille.
Dans la cage, les souvenirs de ce qui vient de se passer m’arrivent devant les yeux, comme une sorte de film. Ça m'arrive souvent, ce genre de truc, quand je n’ai pas envie d’être là où je suis, quand je sais que je ne pourrais pas le supporter. Je fais les choses, puis je les regarde ensuite. Et cette odeur qui flotte dans l’air n’aide absolument pas à faire passer cette sensation atroce qui m’assaille. Mais ce n’est rien comparé à ce que l’agneau a subi. Est-ce que la folie se transmet dans les gênes ? J’espère que non bien que je sois quasiment sûre que certaines maladies mentales sont héréditaires…
Je reste à côté de l’animal, n’osant plus trop le toucher de peur de lui faire avoir une attaque. En plus de la douleur, j’imagine qu’il doit être mort de trouille. Je ferme les yeux et pose ma main sur la veste, dans une tentative de l’apaiser. Je le sens bouger sous ma paume mais je ne fais aucun geste, essayant de rester le plus immobile possible. Devrais-je lui dire que je suis désolée pour ce qui est en train de se passer ? Ces paroles ne seront-elles pas insignifiantes à ses oreilles ? Et dans ce silence presque sinistre, j’entends une voix. Tellement faible que j’ai l’impression d’avoir rêvé. Merci ? Avant que mon esprit ne me fasse parvenir l’information comme quoi mon paternel a peut-être vu juste, la tête du mouton sort de ma veste.
Dans le fond, qu’importe que ce soit vraiment un animorphe ou pas, je peux pas continuer comme ça. Je souris doucement en le voyant reniflant du côté de la poche de ma veste.
« Attends, j’te donne ça. » Je viens fouiller dans le vêtement pour ensuite lui tendre, paume vers le haut, le morceau de pain. « J’ai pu prendre que ça… » Il serait parfaitement en droit de me choper la main et de la broyer avec ses dents. Et pour un peu, je ne lui en voudrais pas. Je le laisse manger tranquillement, caressant sa tête doucement.
Je me tends quand j’entends la porte s’ouvrir et je souffle à l’animal de faire semblant de dormir, en mimant ma tête contre mes mains. S’ils pensent qu’il est inconscient, peut-être qu’ils ne laisseront encore un peu tranquille. Est-ce que j’y crois vraiment ? Pas spécialement mais ça ne fait pas de mal d’être un peu naïve parfois.
Je vois alors apparaître Andrew en bas des escaliers, le teint un peu pâle. Il s’approche doucement de la cage et soupire.
« Comment il va ? » De la poche de son sweat, il sort une pomme et du pain, qu’il tend à travers des barreaux.
Je me penche pour les attraper et les prendre avant de lever la veste pour indiquer au mouton que c’est ok pour le moment. Je lui tends le fruit d’une main et le pain de l’autre, pour lui laisser le choix.
« Faut qu’on le sorte d’ici. Tu veux bien me filer un coup de main en les surveillant ? »
Le regard que me lance Andrew m’indique qu’il est presque indigué que je lui pose la question. Peut-être parce qu’il est logique pour lui de le sortir de là. Il hoche la tête naturellement et jette un œil à l’escalier, comme s’il pouvait savoir où sont les autres.
« J’ai déjà mis un peu de somnifère de maman dans l’eau pendant le repas. Ils vont pas tarder à sombrer mais il faudra se magner, je ne sais pas si la dose est assez forte. Surtout pour le paternel. »
Ca, c’est mon frère ! Il n’aime pas la violence mais ce n’est pas un lâche. Je le félicite du regard avant qu’on se mette d’accord sur le plan d’évasion. On va prendre la voiture pour aller le plus loin possible d’ici, en espérant ne pas non plus trop éloigner l’animal de son territoire ou de chez lui. Une fois mis d’accord, Andrew remonte pour surveiller le moment où ils tomberont de fatigue. Je sors de la cage une fois que le mouton a terminé de manger et je lui fais signe de sortir à son tour, doucement. Je veux voir s’il est en capacité de marcher ou non. Je fais une petite moue en voyant qu’il a l’air de souffrir. Ça va être compliqué pour monter les escaliers.
« J’vais te prendre dans les bras ok ? Voir quel poids tu fais. » Je m’approche doucement de lui et m’accroupi. Je tends mes mains à hauteur de son museau, attend presque son accord avant de l’attraper, en faisant gaffe au mieux à sa plaie. « Mais t’es pas si lourd en fait. » Il faut croire que les entraînements spartiates de la famille servent à quelque chose au final.
Je me planque sur le côté quand la porte s’ouvre mais c’est la tête d’Andrew qui dépasse. Il nous fait signe de remonter. Je serre un peu plus l’agneau contre moi, comme pour m’assurer qu’il ne décidera pas de m’échapper pendant qu’on remonte. Le reste de la famille semble dormir dans le canapé. Nous ne perdons pas de temps et on sort de la maison, direction la voiture.
« Prends le volant. » Andrew hoche la tête sans discuter alors qu’il m’ouvre une portière arrière. Je me glisse à l'intérieur du véhicule et l’installe sur moi. Une fois mon frère à sa place, je lui demande de me donner le sac de premier secours. « On va essayer de nettoyer ça, ok ? »
Je vois le regard d’Andrew dans le retro intérieur.
« C’en est un alors ? Tu l’as vu ? »
Je secoue la tête comme première réponse.
« J’en sais rien. Mais on parle bien à Molosse à la maison, pourquoi j’ferais pas pareil avec lui ? » Argument qui s’entend parfaitement.
Pendant le trajet, je nettoie le plus délicatement possible la plaie. Et je lui mets aussi une bande pour éviter les infections. Du moins, je l’espère, je ne suis pas véto. On doit rouler plus d’une heure avant que la voiture ne s’arrête.
« On est à quelques kilomètres de l’endroit où ils l’ont trouvé. Ils nous penseront pas assez cons pour l’avoir ramener quasi au même endroit. »
J’acquiesce en silence avant de le prendre dans mes bras de nouveau et de sortir de la voiture.
« Désolée pour ce qui t’est arrivé p’tit gars. » Je dépose un bisou sur sa tête avant de le poser sur le sol. « File vite. »
Statut civil : CélibataireMarque : "La douleur s’ancre autour de moi" inscrite sur la voute plantaire droite.Gif : Occupation(s) : Médecin légiste
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Je bêle doucement dans sa poche ce qui me réverbère un petit appel ouaté assez étrange. Quand je consens à ressortir la tête, elle me donne ce qu'elle avait emporté, probablement pour moi. Je prends le morceau de pain et je commence à le mâchonner avec l'air de l'enfant traumatisé qui suçote son doudou préféré. Nous restons ainsi pendant le temps que je finisse de manger. Combien de temps s'écoule ? Je n'en ai aucune idée. Toujours est-il que j'ai fini le pain et que j'ai commencé à somnoler bien avant que quiconque n'entre dans la pièce. Je sursaute autant qu'elle. Flipper sa race est éprouvant.
Le garçon arrive, lui aussi pour me nourrir. Si j'avais été humain, j'en aurais déduit qu'ils essayent d'acheter mon affection. Mais en tant que mouton, j'en ai rien à carrer. Je choisis donc la pomme, parce que j'ai très soif. Je n'arrête de croquer la pomme que quand j'entends le garçon dire qu'il a drogué toute sa famille... pour me faire sortir ? Non, je ne peux pas sortir, je ne peux pas fuir. Mon muscle me fait atrocement mal. Je pense que je vais en avoir pour des semaines à boiter. Par contre, je ne peux pas laisser échapper une occasion pareil, alors je boitille jusqu'à elle.
La miss s'approche de moi pour me porter et je me laisse faire.
Pas si lourd ? Comment dire que c'est sans doute la seule fille à m'avoir jamais dit cela ? Pour peu, je serais secoué d'un fou rire, mais ma patte me brûle tellement fort que j'ai l'impression qu'elle est en train de manger ma chair.
Nous montons à l'air libre et je pense que je n'ai jamais été aussi heureux de sortir. Un instant, je crois qu'ils vont me laisser là, mais en réalité, ils m'enferment dans une voiture. J'ai très peur que tout cela n'était qu'un stratagème du "bon flic" pour pouvoir me dévoiler. Après tout, la fille m'a vue, elle. Personnellement, je pense que j'agirai ainsi pour avoir mes réponses, il n'y a sans doute rien de pire que d'avoir l'espoir de s'en sortir. La suite de leur discussion ne concorde pas avec ce que je peux imaginer, mais je reste méfiant. Malgré tout, ses soins font en sorte que j'ai de moins en moins mal à la patte... Puis, après un temps que je ne peux pas calculer, je suis enfin libéré. Elle m'embrasse le front et me laisse aller. Sans demander mon reste, je vais disparaître dans un fourré et attends longtemps... Puis, je me décide à sortir, à revêtir mes vêtements qui m'attendent depuis plus de vingt-quatre heures, grimace quand le tissu de mon pantalon coule sur ma blessure, et rentre chez moi.
Ce n'est qu'à la nuit tombée que je rentre. Ma mère est là et me dit que j'aurai quand même pu rentrer plus tôt. Elle ne fait aucune réflexion sur quoi que ce soit. Elle ne voit ni ma blessure, ni que je suis en état de choc et que je ne parle pas. Elle me dit qu'elle m'a fait à manger et qu'elle doit s'absenter. Devant mon absence de réaction, elle tente de se justifier, puis m'accuse de la mettre en retard, et s'en va...
La prochaine fois que je la verrai, je lui dirai que je veux partir, loin d'ici.