Le 27 décembre était pour moi toujours un jour un peu… particulier. Le 24 il y avait le réveillon, le 25 le jour de Noël, le 26 c’était souvent aussi un rattrapage de Noël avec ceux que je n’avais pas su voir le 25. Mais le 27 ? le 27 c’était différent. Le monde semblait s’être arrêté après les vas et viens des festivités. Comme pour se reposer, se mettre en pause après toutes ces fêtes, ces lumières vives, ces musiques de Noël et ces plats copieux. Et si souvent je savourais cette journée dans le calme de la maison à lire un livre en pyjama, sous un plaid avec un thé, cette année… cette année j’avais eu besoin de sortir, de me retrouver seule hors de la maison.

Je serrais ma veste un peu plus et inspirais grandement alors que j’attendais que le feu devienne vert pour les piétons. Un sourire illuminait mes lèvres alors que je pensais aux 3 trésors qui m’attendaient à la maison. Baltazar bien sûr, mais aussi Adrien et Aurore. Nos enfants. Nos jumeaux ! Mon cœur avait tellement gonflé d’amour depuis l’accouchement. Et ce Noël avec eux avait été d’autant plus magique. Mais même avec tout cet amour… prendre l’air faisait du bien. Ecouteur vissés sur les oreilles je n’entendais pas le trafic ou les gens parler et je pouvais un peu décrocher. Décrocher des couches, des pleurs, de mes propres larmes, de l’allaitement, de la frustration qui est entrainée par la fatigue et de cette sensation étrange que j’ai chaque fois que je me regarde dans la glace. C’est pour ça que j’étais sortie. Pour un peu souffler. J’en avait parlé à Baltazar, non pas pour qu’il me donne sa permission, mais pour qu’il sache ce qu’il se passe et qu’il ne s’inquiète pas.

S’inquiéter de quoi me demanderas vous ? Eh bien de voir sa femme partir l’après midi en voiture déjà, sans savoir quand elle rentrera. Et puis peut-être s’inquiéter de la voir sortir toute pouponnée. J’en avais besoin. Après des semaines à mettre trainings et vêtements confortables sur lesquels on peut vomir, cracher, renverser et faire ses besoins… J’avais besoin de porter autre chose. Bien sur mes jeans ne m’allaient plus mes j’avais des robes amples où il suffisait de ne pas fermer la ceinture autant qu’avant. Et quel bien ça faisait de prendre un peu le temps de coiffer et arranger mes cheveux. Alors j’avais prévenu Baltazar. Je n’avais pas un amant, je ne le quittais pas (c’étaient plus mes peurs que les siennes je pense) mais j’avais juste besoin de me retrouver un peu.

Je n’étais pas passée à la boutique parce que… Et bien parce que ce n’étais pas encore le moment. A la place j’avais fait quelques courses au centre-ville. Je retrouvais le plaisir de conduire et de flâner un peu. J’étais passé chez un fleuriste prendre un bouquet de fleurs fraiches et dans une boulangerie. J’avais flashé sur leurs roulés à la cannelle. Ils en restaient 6 alors je les ai tous pris. On n’était que 2 à en manger mais… Bordel j’avais envie de ma dose de sucre et de cannelle. Puis je m’étais arrêté chez un chocolatier pour prendre des petits batônnets à chocolat chaud. Oh bien sur je m’étais aussi arrêté chez un primeur, il n’y avait pas que des choses caloriques dans mon coffre. Des mandarines, quelques légumes pour faire un bon bouillon, un butternut, des mini concombres, une bonne salade, des tomates, quelques pommes et poires… sans oublier un pot de miel au jasmin qui était délicieux et une bouteille de sirop d’érable faite par une entreprise locale. De quoi faire un granola maison prochainement. Toutes ces choses avaient été déposées dans mon coffre, et là je me rendais dans ma dernière destination : une boutique ésotérique que je connaissais bien.  Il me refallait un peu de sauge et une géode de quartz rose pour la chambre des petits.

C’est en revenant de cette boutique que je découvris Jake. J’étais passée devant une ruelle pour revenir à ma voiture quand j’avais fait demi-tour, notant avec un temps de retard une forme humaine assise au sol contre un mur. Je m’étais approchée prudente avant de me précipiter en reconnaissant l’homme adossé. Ma première pensée fut pour Raphaël bien sûr, c’est d’ailleurs ce prénom qui franchit mes lèvres alors que je me précipitais. Mais une fois accroupie face à l’homme un doute me pris. Les vêtements… l’odeur de l’alcool…

« Jake ? C’est vous ? »

Ma voix était hésitante. Ils étaient vraiment fort semblables… Et je n’avais pas encore trouvé le tuc pour les différencier du premier coup d’œil. Chose qui me rongeait un peu sachant qu’il s’agissait quand même de mon meilleur ami.