"Virgin ? Cela me correspond, je ne savais pas que c'était ton cas, Clyde."Oh le joli pic que tu m'envoies ! Je te regarde en haussant un sourcil avant de sourire en coin irrépressiblement, sourire qui s'étire plus encore en te voyant donner un pourboire dès maintenant. Allons, Raphael, tu crois que je n'ai pas compris ton petit manège ?
- Ce n'est pas le cas en effet, encore que ça dépende pour quoi.J'aime jouer, j'aime l'idée que tu veuilles jouer et j'adore déjà le début de cette petite joute.
"Nous ne sommes pas en train de m'ouvrir à la vie nocturne de Montréal, Clyde. Nous sommes en train de passer ta dernière nuit ici."Ma dernière nuit... Cela sonne tant comme une fatalité, cela me ramène au pourquoi nous sommes ici ce soir et je ressens le besoin de te confier mes inquiétudes, de te demander de m'appeler en cas de besoin et, surtout, de faire bien attention à toi. Tu me dis que je n'ai pas de dette, mais c'est faux, j'en éprouve la sensation, c'est probablement aussi de par notre amitié, je ne sais pas, je préfère ne pas m'appesantir sur ce que je ressens à ce sujet, nous en avons déjà parlé et le sujet est censé être clos.
"Pourquoi penses-tu que ton départ signera la fin de mon monde ?"Peut-être parce que mon départ a fini par signifier la fin de celui de mon père ? Peut-être aussi tout simplement parce que t...
- Tu vas me manquer, ça doit être pour ça.Nous levons nos verres et je me force à me redresser, à reprendre contenance pour que le moral suive le corps dans son effort.
"A cette dernière nuit, très cher."- A cette dernière nuit avant nos retrouvailles.Je ne veux pas me dire que nous ne nous reverrons pas, je compte bien revenir quand tout sera réglé au pays, je m'en fait le serment dans mon esprit alors que nous trinquons et que je porte la paille à mes lèvres. Sucré et amer, c'est parfait comme mélange et je le bois aussi vite que toi qui... woh woh woooh pas si vite !
- Je croyais que tu n'avais pas l'habitude ?Le spectacle commence et notre attention est attirée vers la scène que nous scrutons attentivement. Les pensées négatives sont chassées par le playback et les couleurs des tenues, par les performances et les applaudissements dans la salle. Lorsque la lumière revient et qu'un artiste tente de faire chanter le public, je me rencogne un peu contre mon siège : je suis un piètre chanteur, c'est plus la spécialité de mon frère que la mienne. Mais toi au contraire tu te lèves, tu te redresses et tu te met à chanter. Tu as toujours adoré chanter, et j'ai toujours adoré t'écouter, alors c'est ce que je fais avec un sourire aux lèvres, amusé de constater que l'alcool ne t'enlève pas tes moyens même si je te vois bel et bien un peu ivre. J'éclate de rire quand l'artiste te fait signe de monter et t'applaudis avec force, un large sourire aux lèvres, t'écoutant parler de toi et... de moi.
"Ce soir, je ne suis là que pour une seule personne. Clyde, celui pour qui je suis le protecteur, et qui n'a aucune idée de ce qu'il est dans ma vie. J'essaie de ne pas être un boulet à sa cheville, avec plus ou moins de succès."Mon sourire a disparu, les rires autour de moi me semblent lointain tandis que mes yeux bleus se rivent aux tiens. Tu n'as jamais été un boulet Raphael, jamais, tu as été les ailes dont j'avais besoin pour me redresser et m'élever plus haut que ce que je valais.
"Depuis que je l'ai rencontré, j'ai envie d'être la personne qu'il voit en moi, le protecteur, droit et intègre, faisant preuve de beaucoup d'abnégation dans sa vie."Je sens le chagrin tenter de poser de nouveau ses griffes sur moi mais c'est un faible sourire touché que je sens poindre à mes lèvres. Tu es déjà cet homme-là, tu n'en as juste pas conscience. Tu te tournes vers moi et nos regards s'accrochent enfin, et je sens l'intensité du mien tenter de te faire passer le fil de mes pensées et de mes émotions malgré la distance qui nous sépare.
"Navré, mais pas ce soir, Clyde. Je n'ai pas envie d'être sage pour toi. Ce soir, je n'ai pas envie de penser à ce qu'on pourrait penser de moi, ou de nous. Demain, je te promets que nos problèmes, nos aspirations, nos regrets, seront encore là, à nous attendre tranquillement. Quand nous regarderons cette nuit, nous nous en voudrons simplement de ne pas s'être écoutés assez, alors écoutons-nous, Clyde, d'accord ?"Si seulement... Je te regarde comme on regarde quelque chose de douloureusement inaccessible, je te regarde en sachant pertinemment que ce dont tu parles n'a rien à voir avec ce dont je t'ai parlé il y a plusieurs années de cela. Oh Raphael, si tu savais... Si tu savais comme cela fait mal autant que cela me réchauffe le cœur. Tu t'inclines et moi je dois lutter pour rester à ma place, te souriant alors que les applaudissements retentissent autour de nous. Allez, reviens t'asseoir maintenant et... hey, pas touche toi ! Retire ta main de son épaule !
"Vous chantez très bien, en tout cas. Voudriez-vous nous chanter quelque chose ?"
Interdit, je te vois aller au piano comme si tu étais rompu à l'exercice, ce qui en un sens est le cas mais pas dans ce genre d'endroit. Les premières notes résonnent et je sais déjà qu'il n'y avait bien que toi pour jouer une aussi belle musique dans un cabaret, toi le maître des contrastes. Les gens autour de moi s'enflamment tandis que je me redresse, ta voix résonnant dans une profonde vibration qui me touche en plein coeur et je le sens se serrer atrocement. Les larmes montent et je les essuies d'une main, inspirant pour ravaler le sanglot qui m'étreint la gorge. J'ai l'impression de revivre notre rencontre, nos meilleurs et nos pires moments,... de tout revivre en une seule fois. Sans que je m'en rende compte je me suis levé et je m'avance lentement vers la scène sans te quitter des yeux, le souffle suspendu à tes lèvres, à ton visage si paisible, à ta voix qui porte le monde en cet instant. Je reste là, mais les paroles continuent et je serre les dents, jetant un regard de côté pour me diriger vers l'escalier bordant la scène, montant lentement sous le regard de l'artiste qui me fait signe d'attendre. Je reste là dans l'ombre, les poings serrés, le coeur battant dans la gorge et les yeux bleus humides. Raphael... c'est cruel... et merveilleux... Les dernières notes résonnent et là l'artiste me fait signe que c'est bon, mais je me suis déjà avancé pour venir passer mes bras autour de toi, te serrant au plus près et tant pis si cela te déplaît. J'enfouis mon visage dans le creux de ton cou où viennent ruisseler mes larmes tandis que la foule s'enflamme et nous acclame sans que cela m'atteigne.
- Merci...Je renifle, je ne dois pas avoir fière allure mais je m'en fout, et je te serre encore un peu avant de m'écarter pour te laisser te lever, l'artiste nous saluant et nous désignant du bras.
"Un tonnerre d'applaudissement pour eux !"
Je suis bien forcé de faire un signe pour saluer et remercier la foule, mais je ne m'attarde pas et attrape ta main pour t'emmener vers la sortie de la scène sous les quelques sifflements et rires de bons coeurs de ceux qui doivent nous prendre pour un couple. Je nous ramène à notre table et souffle fortement une fois installés, mal à l'aise face aux regards qui nous observent désormais. Heureusement sur scène les artistes reviennent à la charge et on nous délaisse bien vite, non sans que la serveuse ne vienne nous servir deux nouvelles Margarita.
"Cadeau de la maison, c'était tellement beau !"
- Hum, merci.Dis-je à mi-voix, soufflant de nouveau avant de finalement oser relever les yeux sur toi. Bordel, je croyais que c'était fini tout ça alors pourquoi est-ce que ça revient à la charge comme ça ? Ça doit être le chagrin, ça doit me chambouler avec le départ et mon cerveau doit certainement tout mélanger.
- Tu... Ta chanson était très belle.J'ai déjà entendu l'originale, mais la façon dont toi tu la chantes est vraiment... unique. Je lève ma coupe dans ta direction, essayant de noyer le poisson de ce que j'ai fait.
- A cette soirée qu'on est pas près d'oublier.@Raphael Strano